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Une clé commune à
la littérature populaire et à l’alchimie
Cet article devrait bouleverser votre vision de la
littérature. Si tel n’est pas le cas tout lecteur se verra condamné à
n’être qu’un liseur charnel, un lecteur qui prend la lettre d’un
texte pour l’esprit de ce texte. En effet, lire ne consiste pas
uniquement à se montrer capable d’associer les lettres de l’alphabet
afin de former des suites de mots et de phrases. Il arrive – et cela
très fréquemment – que des textes, en apparence anodins, recèlent un
double sens et véhiculent des informations sous-jacentes, des
confidences accessibles seulement à ceux disposant des clefs
nécessaires… des lecteurs initiés…ou « initiables » !
Où un Chinois, auteur de polars,
doit sa célébrité à un pictogramme.
Leslie Charles Bowyer-Yin, né en 1907, était à moitié Chinois et
à moitié Anglais. Après avoir exercé différents métiers : chauffeur de
bus, pêcheur de perles, prospecteur d’or, il travailla dans une
plantation de caoutchouc, puis dans
une mine d’étain. Gardez cette dernière information en
mémoire, elle pourrait servir ! Dès 1928, il publia un premier roman,
sous le nom de Leslie Charteris, –Meet the Tiger, mettant en
scène un héros destiné à devenir récurrent, et popularisé par de
nombreuses adaptations cinématographiques et télévisées : Le Saint.
Une quinzaine de titres plus tard, le public français fait connaissance
avec ce sympathique « Robin des Bois » moderne, lors de la parution du
Saint à New-York, lequel sera suivi de plus de soixante-dix
titres. Curieusement, Leslie
Charteris se montre avare de détails quant au passé de son personnage.
Il faudra attendre les années 90 pour que, dans un film interprété par
Val Kilmer, un scénariste –
inspiré ou ayant bénéficié de confidences – fasse un rapprochement
évident. Celui qui va devenir le Saint, est un orphelin placé
dans une institution
catholique. Le petit rebelle rejette la discipline stricte de l’Église.
Il refuse le nom de baptême que l’on veut lui imposer et choisit de
s’appeler Simon… Templar. On le voit s’amuser à courir vêtu d’une cape
portant la croix pattée… celle de l’Ordre du Temple. Ce détail offre de
curieuses résonances quand on sait que le fameux Ordre fit preuve de
blasphème, incitant les récipiendaires à cracher sur la croix parce que
l’homme qui y fut crucifié n’était pas le véritable Dieu. On évoque
aussi une seconde règle, occulte, de l’Ordre, attribuée à un certain
Maître Roncelin. À noter que Leslie Charteris était agnostique !
Dans le film susmentionné, Le Saint
entre en guerre contre la mafia russe. En effet, la Russie n’a
plus d’énergie (pétrole) – mais cela peut s’entendre aussi au
niveau plus général, puisque l’histoire se déroule après l’effondrement
de l’U.R.S.S. Une jeune physicienne américaine est parvenue à découvrir
le principe de la fusion froide mais, afin de limiter les risques, elle
a omis un point crucial en écrivant la formule de ce procédé. Templar –
qui, dans le film multiplie les déguisements, plus proche en cela
d’Arsène Lupin que du héros de Charteris – dérobe la formule
inutilisable en l’état. Après bien des péripéties, et le héros étant
tombé sous le charme de la belle scientifique, les plans de la mafia
sont déjoués. La conclusion s’avère pour le moins inattendue. La
physicienne, faisant preuve d’une charité peu commune à l’égard
des Russes, surtout de la part d’une américaine, donne à la Russie le
secret de ses recherches. Nous assistons alors à la mise en Œuvre
de la fusion froide, de nuit, opérée sur la Place Rouge.
Ce qu’il convient de savoir afin de déchiffrer cette chute :
. L’alchimie, science authentique
et rationnelle – n’en déplaise à ceux qui discutent de tout sans savoir
– est parfois appelée Art
d’Amour et ce, justement, parce qu’elle repose sur le principe de la
fusion froide ou subatomique. L’amour véritable n’est-il pas
avant tout une fusion ?
. Le second œuvre, menant à la
Pierre, est désigné sous le nom d’œuvre au rouge.
. Quant au paramètre indispensable,
il s’agit de l’absence de lumière, hormis celle de la lune et des
étoiles.
Précisons que ce Templar, voleur,
insaisissable, volatil comme le fluide lunaire, doté d’un solide humour
et de beaucoup d’esprit – en l’occurrence d’esprit Saint –
comme Arsène Lupin, n’est qu’une figuration d’Hermès ou Mercure… le
mercure universel des alchimistes, le Spiritus Mundi, ou
Saint-Esprit.
Mais quel rapport avec l’Ordre du
Temple ? Dans la seconde règle, précitée, figure un article défendant
aux frères de pratiquer la transmutation des métaux devant des profanes.
Ceci semble attester que « le trésor du Temple » possédait une origine
alchimique. Pour autant, il ne faudrait pas croire que le Temple
croulait sous l’or. Sa monnaie était composée uniquement d’argent.
Il est, aujourd’hui, admis par certains universitaires américains
que le personnage de Templar doit son surnom à ses initiales : S.T.
Admettons… Ces mêmes universitaires – moins frileux que les nôtres – ont
relevé une curiosité sous la plume de Charteris. Il s’agit d’une petite
phrase, prononcée par Simon Templar, et apparemment sans signification :
« Said the actress to the bishop » (dit l’actrice à
l’évêque). Qu’a bien pu dire cette femme à un homme
d’église ?
Cette phrase insolite n’est pas
sans en évoquer une autre, aussi mystérieuse, mais celle-là sous la
plume de Conan Doyle, le père littéraire de Sherlock Holmes qui, lui,
n’a rien d’un « saint ». Holmes, outre qu’il a une attitude ambiguë
vis-à-vis de ce « cher Watson », s’adonne complaisamment aux joies de la
piqûre, s’injectant de la morphine dans les veines. Dans La
pensionnaire voilée, Watson déclare :
« ...Toutefois je désapprouve formellement de
récentes tentatives en vue de s'emparer et de détruire ces papiers. Je
connais leur origine. Je suis autorisé par M. Holmes à déclarer que si
elles se renouvellent, toute l'histoire du politicien, du phare et du
cormoran sera livrée à la curiosité du public. À bon entendeur, salut
! » Malheureusement, le lecteur n’en
saura pas plus… ce qui est bien dommage !
D’autant que cela s’annonçait cocasse, voire coquin et que l’on
se demande à quelles turpitudes pouvait bien se livrer ce politique avec
un cormoran. Bref, passons pudiquement. Concernant l’histoire de
l’actrice et de l’évêque, les universitaires anglo-saxons y voient un
« wellerism »[1], une phrase à double entendement.
Dans le cas qui nous occupe, il s’agirait d’une allusion grivoise,
laquelle tirerait son origine d’une phrase prononcée par le Prince de
Galles : « as the actress said to the bishop,
it became too big for me » Si une traduction s’impose, il ne me semble
pas nécessaire de vous faire un dessin en 3D : « Comme dit l’actrice à
l’évêque, cela devient trop gros pour moi. » Autrefois, les actrices de
théâtre, étant mal rémunérées, avaient la réputation d’arrondir leurs
fins de mois en se prostituant, ajoutent les universitaires. À un autre
niveau d’entendement – puisqu’il est bien question de cela – cette
actrice pourrait bien être celle du processus alchimique, qualifiée
de prostituée de l’œuvre qui, comme la Vierge de la tradition
catholique doit être fécondée par l’ Esprit Saint, le mercure
universel, sous forme d’un rayon lumineux. Cet esprit ou
mercure, les anciens le figuraient sous les traits d’un bouffon
(du grec bou et phone : entendre autrement) ou d’un fou.
Ce fou nous le retrouvons aussi dans le jeu d’échecs. Mais cette pièce,
les anglo-saxons la nomment…bishop : l’évêque ! Or, la couleur
attribuée aux évêques
[2] est le violet…
couleur du Saint-Esprit et donc du mercure des alchimistes.
Leslie Charteris
était-il au courant de ces rapprochements ? Si oui, cela expliquerait
qu’il ait utilisé cette phrase dès Meet the Tiger et qu’il l’ait
remis dans la bouche du Saint très fréquemment par la suite. Mais
qui s’est avisé que, même, le prénom attribué à Templar ne doit rien au
hasard ? Simon, étymologiquement, signifie « le seul rayon », celui que
nous avons évoqué précédemment. Reste, dans ce contexte, à dire pourquoi
Leslie Charteris fit de son « templier »[3] un Saint. Nous
allons l’expliquer au sein du paragraphe suivant en tentant d’apporter
quelque lumière concernant la Langue des Oiseaux, le système
cryptographique des alchimistes, un code autrement plus subtil et réel
que le soi-disant et fumeux Da Vinci Code de Monsieur Dan Brown.
Décédé en 1993, Leslie
Charteris n’avait rien à envier à son chevaleresque héros. Ce
philanthrope consacra la majeure partie de ses importants droits
d’auteur à des fondations charitables et humanitaires. Fut-il l’un de
ces « chevaliers bienfaisants qui passent en faisant le bien » de
la franc-maçonnerie ? Devenu citoyen américain en 1946, ce natif de
Singapour, dénonça en termes virulents les excès de la « chasse aux
sorcières » menée par le maccarthysme. Son courage faillit, d’ailleurs,
lui coûter cher.
Qu’appelle-t-on La Langue des
Oiseaux ?
Il ne s’agit pas à proprement parler d’un véritable langage, mais
plutôt d’un système cryptographique, un code destiné à dissimuler des
informations dans un texte et, par extension dans tout support de nature
artistique. Ses origines remontent à la plus haute antiquité et il lui
fut attribué des noms divers : cabale phonétique, langue argotique,
langue verte, gay savoir, jargon, jobelin… Ce code est fréquemment
désigné sous le nom de petit langage ou langage des enfants,
parce que, outre les charades, rébus, ou autres jeux de mots, il use
abondamment d’à peu près phonétiques lesquels évoquent la tendance des «
petits » à confondre certains termes. Ainsi, l’une de mes filles,
prétendait avoir « mangé des cravates » à la cantine, alors qu’il
s’agissait de « crevettes ». Le cant, ou argot américain, et la
langue punique (ou pun) anglaise en sont des variantes.
Jonathan Swift,
[4] notamment mania le pun avec un
humour très british. Ceci pourrait expliquer que Leslie Charteris ait
choisi de donner pour signature à son Saint un dessin au tracé enfantin
figurant un petit bonhomme coiffé d’une auréole. Deux livres consacrés à
l’Alchimie – Le Mystère des cathédrales (1926) et Les Demeures
philosophales (1930) – qui furent vraisemblablement un œuvre
collégiale signée d’un pseudonyme (Fulcanelli : le Vulcain ou
volcan lunatique : le mercure universel ou fluide luno-solaire)
[5] mentionnent la Langue des
oiseaux, l’identifiant clairement comme la clef capable d’actionner
les serrures ouvrant la porte menant à la compréhension des textes
hermétiques. Ces développements étant fort longs, il est impossible de
les rapporter ici, aussi je vous renvoie aux ouvrages en question.
[6] Toutefois, une mise en garde
s’impose. Ces textes, compte tenu du sujet qu’ils abordent, sont à
double sens. Les mots en italiques invitent fortement à découvrir, sous
le texte exposant le fonctionnement du code, des renseignements d’ordre
pratique ayant trait à la théorie et à la pratique alchimiques. « Fulcanelli »[7] précise, à propos des règles de la
Langue des oiseaux que « Quelques auteurs, et
particulièrement Grasset d’Orcet, dans l’analyse du Songe de
Poliphile, publiée par la revue britannique les ont données assez
clairement… »
Cet érudit publia de très nombreux articles, traitant de sujets
variés. Deux de ces articles sont consacrés à… l’étain et à
Saint Nazaire.
[8] Et ceci nous renvoie aux
Templiers, à Simon Templar, au Saint et à l’alchimie. Le sujet étant
légèrement complexe, je vais m’efforcer de le simplifier au maximum en
souhaitant être aussi clair que possible.
Le trésor du Temple, l’alchimie
et le métal élu.
Contrairement à une idée répandue, l’alchimie ne consiste pas à
« transformer le plomb en or ». Pour comprendre de quoi il retourne, il
convient de distinguer deux choses : 1) la recherche et la réalisation
de la poudre de projection et de la pierre philosophale. 2) La
transmutation. Cette dernière est effectuée à l’aide de la poudre ou
d’un fragment de Pierre et s’applique à tous les métaux. Elle les teint
dans la masse et l’or obtenu est le plus pur qui soit : 24 carats… sans
impuretés. C’est ce dernier point qui le distingue de l’or natif ou
extrait des mines. En revanche, dans l’élaboration de la poudre ou de la
pierre, tous les métaux ne conviennent pas. Le plomb, par exemple, est
un métal bien trop vieux et sa nature est trop éloignée de l’or pour
nous être utile. L’or est le plus parfait des métaux et il n’est pas
susceptible d’être amélioré. Juste au-dessous de lui se situent l’argent
puis l’étain. Or le métal qui convient – ou ad
hoc
[9]– est dit, dans les textes
alchimiques « être choisi, élu, consacré ». En
hébreu, le terme nazir (à l’origine des noms nazaréen et
nazareth) signifie « consacré ». Jésus, transposition chrétienne
de Jupiter n’est qu’une allégorie créée par les premiers gnostiques, et
toute sa supposée existence n’est qu’un exposé des travaux alchimiques.[10] L’argot français « être naze »
répond aux mêmes préoccupations et se traduit par « être fatigué, voire
mort »… être éteint. Puisque nous avons évoqué Tintin,
souvenez-vous… Dans Les sept boules de cristal, Haddock et Tintin
se rendent au port de Saint-Nazaire. Saint-Nazaire était autrefois le
port où relâchaient les navires qui faisaient le commerce de la
cassitérite – l’un des deux principaux minerais d’antimoine, le second
étant le wolfram – avec l’Angleterre. Nazaire est un équivalent de
l’hébreu nazir, mais il y a encore plus surprenant. Les initiales
Sn sont celles qui forment le symbole chimique de l’étain ! Du moins de
nos jours.[11] L’identité du métal employé en
alchimie est sans doute l’un des secrets les mieux conservés. Personne,
hormis le pseudo Basile Valentin et Fulcanelli, n’en a livré le nom
formellement. Néanmoins, les
contes, les mythes, les comptines, les fables et même les locutions
populaires, nous en ont confié le nom sous le voile de la langue des
oiseaux. À titre d’exemple, et concernant les seules locutions, on
peut citer : faire du potin ou un potin de tous les diables
(contraction de pot en étain), faire du tintamarre (amarrer,
fixer « tin » l’étain), à la saint glinglin (de klingen : sonner…
les cloches, lesquelles sont fabriquées en étain, cuivre et fer) etc.
Signalons, afin d’être complet et de remettre les idées en place des
fanatiques religieux et autres suppôts du diable, que Satan – invention
de l’église et destiné à « diaboliser » les dieux païens est, aussi,
l’Antimoine des alchimistes (à ne pas confondre avec le minerai) ;
il est l’anti-moines, le grand adversaire des moines et les
première et dernière lettres de son nom (Sn) forment le symbole… mais
est-il encore besoin de le préciser ?
Pour en revenir aux Templiers, il est probable qu’ils avaient
accès à des gisements d’étain et, qu’en possession des secrets de
l’alchimie appris en Orient, ils aient su transmuter ce métal en argent
et l’argent en or. Toutefois, ils préférèrent s’en tenir à la production
d’argent, sans doute afin d’éviter d’attirer l’attention… précaution,
hélas, inutile. Il ne faut pas chercher ailleurs, non plus, les raisons
qui firent donner, plus tard,
à Jacques Cœur le titre, ô combien évocateur, de Grand
argentier du royaume…
Il nous reste à expliquer une confidence – très charitable, mais
passée inaperçue – de « Fulcanelli ». Sous prétexte d’évoquer le
fonctionnement de la langue des oiseaux, il confia : « Or, le vocable
antimoine était toujours écrit avec l’épisémon équivalent aux deux
consonnes assemblées sigma et tau. »[12] Comment pouvait-il mieux
souligner le métal consacré aux travaux ? En effet, ces deux
lettres grecques correspondent à S et T et, assemblées, forment le sigle
St, abréviation du mot Saint mais, aussi, et cela est généralement
ignoré, l’ancienne notation chimique de l’étain. Ainsi la boucle se
trouve bouclée et nous ramène à Simon Templar. Car, qu’est-ce qu’un
« saint » ? Ce terme provient du latin sanctus : consacré.
Ainsi que le grava au burin « une main humoristique », sous la
plaque posée à la mémoire du Docteur Courrent, à Rennes-les-Bains, là où
débuta l’affaire de Rennes-le-Château : S.Clerc… Pardon ! Je traduis…
Est-ce clair ?[13]
De quelques auteurs ayant usé de
la
Langue des oiseaux.
Ils sont très
nombreux, trop pour pouvoir les citer tous et procéder à une analyse de
leurs écrits dans le cadre de cet article. On m’a souvent objecté que de
tels jeux de mots ne fonctionnaient qu’en français. Curieusement, cette
critique émane de gens qui sont près à accepter sans sourciller la
célèbre et pseudo apostrophe de Jésus à Pierre « Tu es Pierre et
sur cette pierre je bâtirai mon église ». En France, plus qu’ailleurs
les intellectuels, ou du moins ceux qui revendiquent ce titre, ne sont
pas à un paradoxe près ! Cet argument est faux.
Les œuvres attribuées à Shakespeare, celles attribuées à
Cervantès, par exemple, sont truffées de sous-entendus, souvent grivois,
parfois de nature hermétique. Ainsi, James Joyce
transforma, par le jeu des assonances, le titre d’un opéra « The Rose of
Castille » en voie ferrée : « the rows of cast steel » (les
rangées en fonte d’acier). Nombreux sont les jeux de mots de ce type
dans son célèbre Ulysse, tout comme les références à la Cabale et
à l’alchimie. Analyser ce « pavé » littéraire est une gageure et les
exégètes s’y sont cassés les dents. Disons simplement qu’il s’agit d’une
variation moderne sur l’Odyssée d’Homère. Joyce, maîtrisant bien
les mythes grecs, avait probablement établi la relation Zeus-Jupiter
(Iovis ou Jovis en latin) avec la joie et être joyeux et les mots
anglais joy et to
enjoy. Ainsi qu’en témoigne sa correspondance scabreuse, voire
scatologique, avec sa maîtresse Nora, l’auteur d’Ulysse,
très porté sur le sexe, n’a pas manqué d’établir un rapprochement avec
to enjoy
(jouir) et son nom, d’autant que l’argot français « être joice » l’y
invitait. Jupiter constituant sans doute le plus grand secret de
l’alchimie, Joyce eut-il la prescience que le retour d’Ulysse, contrarié
par Zeus, constituait une merveilleuse allégorie des vicissitudes de ce
que les textes hermétiques nomment le
mercure des sages ?
Il en va de même en ce qui concerne l’œuvre littéraire de James
Barrie, lequel confia que, sur la fin de son existence, « … il
souffrait de crampes dans la main. » S’agissait-il de la fameuse
« crampe de l’écrivain ? » Par suite, il devint ambidextre,
prétend-t-on. Lui-même confia :
« J'écris des choses avec la main gauche, ou pour le dire de
manière plus correcte, il s'écrit des choses avec moi par cette main
gauche, qui se seraient exprimées avec plus d'humanité par la main
droite. Je n'ai jamais, aussi loin que je me souvienne, écrit des
histoires pesantes, comme Dear Brutus ou Mary-Rose
, tant que je me servais
de mon autre main. Je n'aurais pas pu écrire ces choses, telles qu'elles
sont, avec ma main droite ». Donc, à l’entendre, ce qu'écrivait sa main
gauche était plus sinistre (de senestre : gauche) que ce
qu'écrivait la main droite, plus rationnelle...Curieux, car il semble
avéré que Barrie était gaucher de naissance. Il convient de ne pas trop
accorder de confiance aux écrivains quand ils prétendent s’épancher…
Parole d’écrivain ! Il est vrai que son Peter Pan était beaucoup
plus souriant, mais pas si anodin. Peter Pan se traduit par « la
pierre universelle », autrement dit la Pierre philosophale, et on ne
peut s’empêcher d’aller voir plus loin.
On découvre que la délicieuse fée Clochette du dessin
animé de Walt Disney se nomme, dans le texte anglais « tin-tam » ou
« Tinker Bell » Tink(l)er signifie, en écossais, une "bohémienne", une
fofolle, portée sur "la chose", ou d'humeur érotique, une vagabonde, une
virago, etc. Il s’agit d’un terme injurieux. En anglais courant, ce mot
désigne un rétameur, un coquin, un mendiant, quelqu'un qui erre.
Tin-tam, c’est celle qui récure les casseroles et refait
l’étamage. Quant au rétameur, son nom vient d’étamer, de « estaim »,
« estain » … étain. Est-ce assez probant ? Puisqu’il a été question de
Disney, vous apprécierez, sans doute, de trouver annexées une photo du
frontispice du Mystère des cathédrales à comparer avec une scène
de Blanche Neige. Surpris ?
Pour nous limiter aux auteurs français, sachez que François
Villon, François Rabelais, Cyrano de Bergerac, Gérard de Nerval, Victor
Hugo, Jules Verne, pour ne mentionner que les plus célèbres, utilisèrent
ce type de codage et glissèrent dans leurs œuvres des confidences
alchimiques. Nous avons, volontairement, omis quatre noms lesquels vont
faire l’objet du paragraphe suivant.
Où il sera question d’une fugue,
d’un canon et d’écriture à quatre mains.
Si vous avez lu les romans de Gaston Leroux, vous avez,
peut-être, été étonnés par de singulières petites phases imprimées en
italiques : « Je défends aux fortes têtes de hausser les épaules »,
« Cela va finir par se savoir chez les veaux » etc. Dans
le cycle qu’il consacra au
bagnard Chéri-Bibi, son héros subit une hallucinante intervention
chirurgicale au cours de laquelle sa tête et ses mains sont échangées
avec celles du Marquis du Touchais.
[14] Oui, oui, je sais. Ça vous
rappelle le film Volte face, interprété par Nicolas Cage et John
Travolta. Normal, le réalisateur John Woo s’en est inspiré. Toujours
est-il que Gaston Leroux précise qu’à l’issue de cette opération : « Les
mains qui exécutent ne sont plus celles du cerveau ». Horrible et
surprenant, sauf si vous transposez cette indication.[15] Ne serait-il pas question de
mains se livrant à un travail commandité par le possesseur d’un cerveau
à qui lesdites mains n’appartiennent pas ?
Or,
justement, plusieurs auteurs, oeuvrant dans des genres différents,
semblent avoir rédigé sous
la direction occulte d’un maître d’œuvre pratiquant en
littérature ce qu’en musique on nomme l’art de la fugue ou du
canon (contrepoint).
Rappelons que le contrepoint se caractérise en
musique par la superposition de dessins mélodiques. Dans son
acception figurée, le
contrepoint désigne un motif secondaire qui se superpose à
quelque chose, en ayant une réalité propre. Pour en revenir à la
fugue, il faut signaler qu’il s’agit d’une composition dans
laquelle un thème et ses imitations successives forment plusieurs
parties qui semblent se fuir
et se poursuivre l’une l’autre. Cette composition musicale
comporte quatre parties : l’exposition, la contre exposition, le
développement et la strette. La strette est la partie d’une fugue
qui précède la conclusion et
dans laquelle le sujet et la réponse se poursuivent
avec des entrées de plus en plus rapprochées. Dans les lignes qui
précédent nous avons à notre disposition tous les éléments qui furent
utilisés par un compositeur génial qui, s’inspirant de l’Art de
Musique (autre nom également de l’Alchimie) signa une partition
brillante en trompe-l’oeil. Cette partition se joua à quatre mains :
Raymond Roussel pour l’exposition, Alfred Jarry pour la contre
exposition, Maurice Leblanc pour le développement et enfin Gaston Leroux
pour la strette ... Quant à la conclusion
ce fut la publication des « Fulcanelli ». Le plus étonnant dans
cette affaire reste que l’instigateur de ce montage littéraire choisit
soigneusement lesdits auteurs afin de leur faire incarner les « acteurs
du drame alchimique ». En l’occurrence, les deux sels métalliques, le
mercure et le soufre. Et il s’agit d’un véritable tour de
force. En résumé, Roussel et
Jarry, dont la conversation ne manquait pas de sel – au sens
d’esprit et d’humour – furent chargés d’incarner les deux sels
métalliques nécessaires afin de débuter l’œuvre (à la fois
littéraire et alchimique). L’exposé du premier œuvre ou œuvre au
blanc, s’effectuant à l’aide du mercure, fut confié à Maurice
Leblanc. Ô l’heureux hasard. Son héros, Arsène Lupin, un cambrioleur,
est insaisissable, comme le mercure ou esprit, cet esprit
dont Lupin ne manque pas. En outre, on le sait, Hermès (le dieu Mercure
des Grecs) était le patron des voleurs. Le second œuvre ou Œuvre au
rouge, basé sur la substance qualifiée de soufre (l’âme
des métaux) fut attribué à Gaston Leroux. Le commanditaire
n’aurait pu mieux faire… à moins d’engager Gustave Le Rouge – mais ce
dernier était un peu jeune. Toujours est-il que tous les personnages
imaginés par Gaston Leroux sont reliés par la couleur rouge. En
outre, ce sont des âmes tourmentées qui souffrent.
Interprétation, simples coïncidences, pensez-vous ?
Alors le numéro de matricule du bagnard Chéri-Bibi doit
relever, aussi, d’un hasard providentiel puisqu’il s’agit du 3216 et que
32 et 16, sont les nombres qui désignent le poids et le numéro atomiques
du soufre en chimie ! Pour qu’une telle combinaison soit le fruit
du hasard il faudrait admettre qu’un singe muni d’un ordinateur soit
capable d’écrire la Bible !
Raymond Roussel prétendit avoir exploité un « procédé
littéraire » d’un genre très spécial et s’en est expliqué longuement
dans un livre posthume : Comment j’ai écris certains de mes livres.
Milliardaire, il fit publier ses livres à compte d’auteur. À l’occasion
de la sortie de ses Impressions d’Afrique, il déclara, non sans
humour, qu’il s’agissait « d’Impressions à fric », attirant de ce fait
l’attention sur l’origine de son procédé lequel était directement
inspiré de la Langue des oiseaux. L’un de ses ouvrages mentionne,
d’ailleurs, explicitement le nom « d’Orcet ». On y découvre également de
nombreuses références aux ouvrages signés « Fulcanelli », ce qui est à
mettre en relation avec un passage de son livre posthume. En effet, il
confie, être retourné voir un certain « Volcan dont les leçons
lui avaient laissé un souvenir de grande clarté… » Concernant « son
procédé » il confia qu’il choisissait deux mots différents et les
reliait par la préposition « à » : exemple « métier à aubes» (profession
qui force à se lever de grand matin) ; ces deux mots, pris dans des
acceptions différentes, en jouant sur les homophonies, lui permettaient
alors d’autres combinaisons : métier (à tisser) à aubes (palettes de
roue hydraulique). Ces longues et laborieuses explications n’avaient, en
fait, qu’un but : attirer l’attention sur la fréquence répétitive de
l’objet (à) air (cornemuse, cor de chasse, etc.) dans son œuvre. En
suivant ses indications l’« objet » (à) « air » est susceptible
d’évoluer en « OBJET » (à) R, six lettres qui nous livrent un nom
capital et le mot de l’énigme : JOBERT ! Fervent admirateur de Jules
Verne, Roussel gratifia ses lecteurs d’un clin d’œil en direction du
« Maître » en cabale phonétique. Il mentionna un « O d’aphone » qui
équivaut à un « O muet » voire un « O mué » à multiples transformations,
que vous êtes invités à admirer sur l’illustration du Robur de
Jules Verne.
[16] Enfin, et puisqu’il est question
de Jules Verne vous apprécierez sûrement la clef qui va vous être
donnée. Pourquoi Verne baptisa-t-il Passepartout le loyal
serviteur de Phileas Fogg, nous précisant qu’il avait le teint vert
olive ? Un passe-partout est également appelé un rossignol, nom
qui nous renvoie bien à la langue des oiseaux, langage de l’esprit,
ce dernier étant fréquemment symbolisé par un oiseau. Songez à la
colombe du Saint-Esprit. Ce passe-partout est une clef remplaçant
n’importe quelle clef, une clef universelle. En Alchimie, le mercure
(esprit universel) est dit être « la clef de l’œuvre » parce qu’il
possède la propriété d’ouvrir les métaux. Il est aussi désigné
sous les noms suivants : loyal serviteur
– comme le Passepartout de Verne –, alkaëst ou Vitriol – mot bien
connu des francs-maçons –
[17] dont l’emblème est une clef.
On lui donne aussi le nom de Lyon vert – à entendre L’ion (violet
en grec) vert, parce qu’il jaillit de sa source en violet – ceci est à
rapprocher de ce qui a été dit des évêques – et se transforme en vert
dans notre atmosphère.
J’espère que vous aurez pris du plaisir à lire cet article et
vous invite à le relire et à le méditer par suite de sa densité et de
l’importance des informations qui vous y sont généreusement données.
N’hésitez pas à me faire part de vos commentaires.
Richard Khaitzine
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