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REVISTA TRIPLOV
de Artes, Religiões e Ciências
Nova Série | 2011 | Número 16
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Par définition ce qui est
ésotérique est voilé, caché. Les anciens étaient détenteurs d’un savoir
mystérieux qui résultait de leurs observations des lois naturelles (les
influences solaire, lunaire et stellaires, etc. ), et aujourd’hui perdu
en partie. Ce savoir était regroupé au sein de trois grandes sciences :
L’astrologie, la Théurgie (ou magie divine, la magie blanche) et
l’hermétisme ou alchimie. Ces sciences, pour survivre – notamment aux
bûchers de l’Inquisition – furent contraintes de se dissimuler. Durant
plusieurs millénaires, un courant souterrain, invisible, doubla celui de
la culture officielle, demeurant masqué au plus grand nombre et
accessible aux « initiables », c’est-à-dire aux curieux et assoiffés
sincères de connaissance. Les artistes initiés du passé utilisèrent tous
les supports artistiques à leur disposition afin de préserver leur
culture, s’exprimant par voie de rébus et de charades. À une époque
d’analphabétisme, ce mode d’expression, ancêtre de la bande dessinée,
avait le mérite d’être compris des gens du peuple. Leonardo da Vinci fut
l’un de ces peintres initiés et toute son œuvre témoigne qu’il fut
dépositaire des théories alchimiques et de leur mise en pratique. |
EDITOR |
TRIPLOV |
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ISSN 2182-147X |
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Dir. Maria Estela Guedes |
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Contacto:
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RICHARD
KHAITZINE
Les
confidences d’Arsène Lupin…
Des mystères de Rennes-le-Château
à l’énigme Fulcanelli
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Certains lecteurs risquent
d’être un peu décontenancés par les informations véhiculées par cet
article. Il n’y a là rien que de très normal compte tenu du fait que
l’ésotérisme authentique est un domaine complexe, nécessitant une très
bonne culture générale, et qui n’a aucun rapport avec les âneries
habituellement colportées, à destination d’un public crédule, par des
auteurs privilégiant le sensationnel, souvent faux, à l’information
sérieuse. Nous espérons n’avoir pas placé la barre trop haut et, qu’au
prix d’un effort minimal, vous apprécierez le contenu de cet article,
qu’il vous divertira tout en vous apprenant quelque chose. Vous êtes
invités à nous faire part de vos commentaires ainsi que de vos
questions. Il vous sera répondu avec la plus grande honnêteté.
Alors que sort
sur les écrans le film de Jean-Paul Salomé Arsène Lupin, adapté
de la Comtesse de Cagliostro, il semble utile de faire savoir au
public que l’œuvre de Maurice Leblanc demanderait à être lue entre les
lignes. La Comtesse de Cagliostro - même si le film
précité ne permet pas d’y avoir accès – comporte nombre d’allusions,
extrêmement précises et impossibles à nier, concernant l’affaire de
Rennes-le-Château, mais aussi à un alchimiste connu sous le pseudonyme
de Fulcanelli.
Mon confrère Patrick
Ferté, en un livre magistral et fort bien documenté, a remarquablement
démontré les implications de la geste lupinienne avec l’affaire
Saunière.
Si Patrick Ferté peut être taxé de se tromper – mais qui ne commet
jamais d’erreurs ? – ce n’est jamais sur le fond, uniquement sur des
détails ou des interprétations de sous-entendus. Ainsi, focalisant sur
Rennes-le-Château et la toile Les Bergers d’Arcadie de Nicolas
Poussin, Patrick Ferté fait la démonstration suivante : « Dans la
Dame blonde, Lupin fait jouer un rôle important à maître DETINAN,
son avocat-conseil, dont M. Leblanc précise gratuitement (…) que c’est
un député radical …» et Patrick Ferté d’en conclure qu’il
faut ôter deux lettres D et N et lire l’anagramme de radical étina :
L’ET IN ARCADIA, précisant que « l’appartement de maître Détinan est le
lieu choisi… » Si le raisonnement est juste, la conclusion est
erronée. Ce passage n’a pas vocation d’attirer l’attention sur la ville
d’Alet (pagus electensis ou lieu élu) mais bien sur un corps élu
en alchimie. Un radical, en politique siège au centre et, par
conséquent, il convient bien de ne pas tenir compte de ce qui est à
gauche ou à droite du nom Détinan: D et N. Subsiste ÉTINA, anagramme
d’étain, métal consacré (nazir en hébreu) à Zeus ou
Jupiter, et jamais mentionné par les textes sauf par Basile Valentin et,
discrètement, par Fulcanelli. Rappelons que Saint-Nazaire fut le port où
transitaient les navires faisant le commerce de l’étain et que Nazaire
provient de nazir. De même, Joseph d’Arimathie, détenteur du Graal –
autre nom de la Pierre philosophale – est censé avoir fait fortune dans
le commerce de l’étain, dont le symbole chimique fut St (abréviation de
saint) avant de devenir Sn (initiales de Saint Nazaire). Cela ouvre
quelques perspectives concernant le mythe du nazaréen fixé sur
une croix ( ou passé au creuset, l’étymologie des deux mots est
identique) avec des pointes de fer ! Mais cela, comme l’écrivit Kipling,
« est une autre histoire ». |
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Un alchimiste, au XXe siècle, en quête
d’auteurs. |
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Ce que
vous allez lire risque fort de vous déstabiliser, il est possible que
vous jugiez ces informations incroyables et, pourtant, tous les faits
rapportés sont authentiques. En 1977, à l’occasion de la réédition
des Mohicans de Babel, un roman peu connu de Gaston Leroux,
François Rivière, l’auteur de la préface, constatait : « …Dans
un de ses essais, G.K. Chesterton
se demandait si Gaston Leroux n’était pas l’autre nom de plume de
Maurice Leblanc. Il y aurait, disait-il, une intéressante symétrie dans
cette inversion des noms par laquelle le gentleman rouge écrit des
histoires de détective et le gentleman blanc des histoires d’aigrefins
… » Évoquant, ensuite Le Mystère de la chambre jaune, ouvrage
préfacé par Jean Cocteau, François Rivière notait : « … un jeu de mots
proprement roussellien
préside
à cette mise au monde historique : « serpent à sonnette »
et
« cordon de sonnette » donnent la clef de l’énigme de ce chef-d’œuvre du
récit criminel de chambre close… »
Ayant
associé, intuitivement (?) les noms de Raymond Roussel (1877-1933), de
Maurice Leblanc (1864-1941) et de Gaston Leroux (1868-1927), si François
Rivière les avait reliés à celui d’Alfred Jarry (1873-1907), puis au
pseudonyme d’un hermétiste, il aurait sans doute pu découvrir ce qui
constitua la plus extraordinaire des entreprises littéraires de tous les
temps. Mais avant d’aller plus loin, ouvrons une parenthèse.
Les
biographes de Raymond Roussel ont souligné que Roussel et Cocteau
« s’aperçurent » dans une clinique où ils résidèrent à la même époque.
Roussel y soignait une dépression et Cocteau, consommateur d’opium, y
subissait une cure de désintoxication payée par Coco Chanel. Les deux
hommes firent sans doute plus que se voir, à en croire les déclarations
récentes de l’éditeur Jean-Jacques Pauvert. Dans un livre, ce dernier
révèle que Roussel fut l’amant de Cocteau. Échangèrent-ils des
confidences et Roussel livra-t-il l’unique clef permettant d’accéder aux
mystères de sa vie secrète et à ceux de son œuvre déconcertante ? À ce
stade, il est bon de savoir que Jean-Jacques Pauvert procéda à la
réédition des livres de Raymond Roussel, mais également à celle du
Mystère des cathédrales et des Demeures philosophales, deux
ouvrages écrits par un alchimiste les ayant signés Fulcanelli. Ce
fut, également, Jean-Jacques Pauvert qui publia les livres d’Eugène
Canseliet, lequel prétendait avoir été le seul et unique élève et
disciple de Fulcanelli. En diverses occasions, Eugène Canseliet
mentionna que Raymond Roussel connut Fulcanelli, et que son œuvre
littéraire, à commencer par la pièce intitulée La Poussière de
soleils, véhicule nombre d’allusions hermétiques. En réalité,
l’œuvre de Roussel va bien plus loin et comporte des confidences ayant
trait à l’alchimiste en question. On trouve, notamment, dans le texte
précité, un personnage appelé Buluxir, nom à lire ubu-l-xir (eut
bu élixir) – qui n’est pas sans évoquer le père Ubu d’Alfred
Jarry – et un Minus habens ou demeuré philosophe, venant en
rappel des Demeures philosophales.
En
revanche Eugène Canseliet ne semble pas s’être avisé que Raymond
Roussel évoqua Fulcanelli, dès qu’il écrivit ses textes de grande
jeunesse et que, mieux encore, il y livra, sous forme de rébus ou de
charades, la véritable identité du Maître. En effet, dans un texte,
intitulé Le haut de la figure, Roussel évoqua son précepteur et
professeur de sciences, un personnage distrait, lunaire,
répondant au pseudonyme de Volcan. Ce volcan ou Vulcain
lunaire – outre que cette expression désigne, en alchimie, le
dissolvant, le feu secret – doit s’entendre Vulcain Hellé (
Hellé était le nom de la déesse lune chez les Grecs archaïques)
dénomination proche, phonétiquement, de Fulcanelli. Refermons la
parenthèse.
Les
Mohicans de Babel, le titre du roman de Gaston Leroux est pour le
moins surprenant s’appliquant à une histoire se déroulant à Paris, ville
qui, si elle a eu ses « apaches », n’a jamais vu l’ombre d’un mohican.
En revanche le nom de Babel n’évoque pas que la fameuse tour mentionnée
par la Bible. Au sujet de la confusion des langues, Fulcanelli faisait
observer dans son Mystère des cathédrales que les hommes
parlaient la « langue des oiseaux » ou cabale phonétique avant
l’édification de la tour. Une note invite à lire le « tour » ou « la
tournure » ba employée pour bel. Concernant les mohicans,
un coup d’œil dans votre dictionnaire peut s’avérer utile. On y apprend
que ces indiens appartenaient à l’ethnie des Algonquins, vaste famille
linguistique, constituée de quatre grands groupes de tribus. Par
conséquent, ce titre semble inviter le lecteur à retrouver les noms de
quatre auteurs ayant possédé un dénominateur commun. Ce dénominateur, en
littérature, on appelle cela l’art de la bordure, des écrits tramés, ou
encore l’art du grimoire, le terme grimoire faisant référence à l’art de
« grimer » , de travestir sa pensée.
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Des deux sels, du mercure, du soufre et de la
littérature |
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Aux
alentours de 1885, celui qui allait devenir Fulcanelli n’avait pas
encore publié ses livres et il ignorait vraisemblablement si cela serait
un jour. Il décida de léguer ses travaux à la postérité et, dans cette
optique, il monta le jeu hermético-littéraire le plus extraordinaire de
tous les temps. Il fournit un canevas, sans doute constitué de ses notes
et de « mises en situations » – des dessins – à charge pour quatre
auteurs d’y « broder » leurs œuvres, de les utiliser selon la technique
du carré bi-orthogonal chère à Georges Perec.
C’est ce
qui explique la présence d’objets, de noms et de situations
« contrebandiers » ou voyageurs qui peuvent se repérer d’un livre à
l’autre. Ce montage est déjà étonnant mais que dire de ce qui suit ?
Fulcanelli commença par embaucher son jeune élève, Raymond Roussel et ce
dès 1894, puis ce fut le tour d’Alfred Jarry. Le premier était un homme
d’esprit, le second pratiquait un humour de potache, lourd et souvent
scatologique. Leur conversation, ainsi que le dit l’expression
populaire, « ne manquait pas de sel ». De là à leur faire tenir,
symboliquement, le rôle des deux sels métalliques nécessaires
afin de poursuivre l’Œuvre, il n’y avait qu’un pas que le
commanditaire franchit, d’autant que le nom de son élève s’y prêtait.
Roussel n’est-il pas l’anagramme phonétique de sel roux ?
Fulcanelli, engagea ensuite deux auteurs de romans populaires : Maurice
Leblanc et Gaston Leroux, à charge pour eux de tenir, toujours
symboliquement, les rôles du mercure et du soufre. Pour
comprendre ce qu’avait en tête le génial alchimiste, il convient de
savoir ce qui suit. Les principes de l’alchimie sont identiques à ceux
qui régissent toute la vie de la nature. Les noms de sel, mercure et
soufre ne désignent pas des corps chimiques mais des états différents du
dynamisme vibratoire. L’esprit – la lumière pour simplifier – ou
mercure, donne naissance à une âme, ou soufre qui, elle-même va
constituer un corps, ou sel. C’est ce processus d’incarnation, commune
au règne végétal, au règne minéral et animal, que l’alchimiste utilise.
Il part d’un corps mort métallique afin d’y infuser l’âme, puis l’esprit
afin d’opérer leur fusion. C’est cette notion de fusion qui fait
désigner l’alchimie, parfois, du nom d’art d’amour. Maurice
Leblanc fut chargé de développer les vicissitudes du mercure au
cours du premier œuvre, lequel porte le nom d’ Œuvre au blanc !
Appréciez les jubilations du hasard, d’autant que… Gaston Leroux, dont
tous les personnages souffrent et sont reliés par la couleur
rouge, se chargea d’évoquer le soufre et l’œuvre au rouge,
ce qui s’imposait pour un homme s’appelant Leroux ! Et « l’ Œuvre au
noir », vous demandez-vous ? N’en déplaise à Madame Yourcenar, en
alchimie, il n’y a que deux Œuvres et pas de noir ! Fulcanelli,
compliqua encore ce magistral exercice en faisant tenir à ces auteurs le
rôle des différentes parties de ce que, en musique, on appelle un canon
ou une fugue. Pourquoi ? Parce que l’alchimie est aussi nommée art de
musique. Tous ces points nécessiteraient de plus amples
développements qui, malheureusement, nous entraîneraient bien trop loin.
Aussi nous faudra-t-il nous concentrer sur Maurice Leblanc et Arsène
Lupin. |
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Les confidences de Monsieur Leblanc |
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Afin de
conforter ce qui vient d’être exposé, nous allons fournir quelques
exemples des télescopages qui peuvent être relevés entre les romans de
Leblanc et l’œuvre de Fulcanelli. Dans la Comtesse de Cagliostro,
on peut lire : « Sortant du château et rampant sous le lierre, il
(Lupin) se hissa, grâce aux énormes racines, jusqu’à l’ouverture
pratiquée dans l’épaisse muraille (…) Ainsi placé à cinq mètres du sol,
la tête masquée par du feuillage, il ne pouvait être vu et voyait… » Cet
extrait est à mettre en parallèle avec ce passage des Demeures
philosophales, de Fulcanelli, ayant trait à l’Hôtel des Invalides
que se fit construire un ministre de Louis XIV : « Un loup s’y trouve
sculpté, à mi-corps ; les pattes s’abattent sur l’ouverture de
l’œil-de-bœuf, qu’elles entourent ; la tête est à moitié cachée sous une
touffe de palmes, et les yeux sont ardemment fixés sur le sol de la cour
(…) ce loup regarde, ce loup voit » (Louvois). Vous
m’opposerez, sans doute que ce calembour ne peut fonctionner dans le cas
de Lupin. Erreur ! En lisant, Grasset d’Orcet, maître es « langue des
oiseaux » et que connut Fulcanelli on peut lire : « Les Charbonniers
prenaient le nom de loups ou lupins… »
(in Les Collaborateurs de Jeanne Darc ).
Toujours
dans la Comtesse de Cagliostro, Lupin déclare :
« Dieu
que c’est drôle ! Madame est fâchée !... Alors, quoi ? plus moyen de se
jouer des petits tours ?... Pour un rien la moutarde vous monte au
nez ! » Outre que ce passage fait référence aux turlupins (une
secte hérétique), proche phonétiquement de « tours de lupin », il y un
clin d’œil en direction du Chéri-Bibi de Gaston Leroux. On y voit
le bagnard prendre des bains de pieds à la moutarde afin d’éviter une
congestion. Cette moutarde lorgne , également, en direction du chapitre
IX de Gargantua. Rabelais – auteur abondamment cité par Fulcanelli –
fait référence au Songe de Poliphile. Après s’être moqué des
faiseurs de rébus et jeux de mots ridicules, tels ceux qui peignent un
pot à moutarde pour signifier le cœur auquel « moult tarde », il prend
un ton sérieux pour affirmer que « bien aultrement faisoient en temps
jadis les saiges d’Égypte, quand ilz escrivoient par lettres qu’ilz
appeloient hiéroglyphiques, lesquelles nul n’entendoit qui n’entendist »
(s’ils n’étaient initiés à la méthode pour lire les images) ; « et
chacun entendoit qui entendist la vertu, propriété et nature des choses
par icelles figurées ; desquelles Orus Apollon a en grec composé deux
livres, et Polyphile (sic !) au Songes d’amours en a davantaige
exposé. » Nous pourrions multiplier les exemples, y compris en utilisant
les œuvres des trois autres comparses : Roussel, Jarry et Leroux.
À
l’appui de notre démonstration, mentionnons encore ceci.
Un
recueil, intitulé Les Confidences d’Arsène Lupin, contenait une
nouvelle, publiée en 1913 et titrée : Les jeux du soleil. Or, en
cette même année 1913, Raymond Roussel travaillait à son célèbre
Locus solus, titre à rapprocher de celui de la nouvelle précitée,
pour peu qu’il soit traduit en latin : Jocus solis ! Or dans
Locus solus, Roussel met en scène une invention pour le moins
surprenante, consistant en la création de « nègres rendus explosifs
parce que transformés en poudre à canon. » Les exégètes se sont cassés
les dents sur cette singularité. On aurait tort d’y voir un quelconque
sadisme teinté de racisme. Ce passage est à comprendre comme faisant
référence à « des nègres, au sens littéraire du terme, s’adonnant à
d’étonnants (pour détonants) travaux en canon ou à l’art
de la fugue. Ce qui offre des prolongements intéressants. Toujours
est-il que l’œuvre de Maurice Leblanc contient d’énigmatiques
références, à la fois au pays de Caux et au pays de Sault, ainsi qu’à la
localité de Rennes-le-Château,
rendue célèbre par une affaire qui fit beaucoup de bruit à la fin du
XIXe siècle et au début du XXe, mais aussi à sa
proche voisine Rennes-les-Bains. Dans la Comtesse de Cagliostro,
Leblanc fait référence à trois toiles. Mentionnant Joséphine Cagliostro,
il évoque le sourire de la Joconde, et par conséquent la toile de
Leonardo da Vinci. Le cocher s’appelle, d’ailleurs Léonard. La quête du
trésor repose sur le frère Nicolas, ce qui suggère fortement Nicolas
Poussin et ses Bergers d’Arcadie, d’autant que dans un passage du
livre, Lupin est agenouillé comme l’un des personnages de la toile.
Quant à la troisième peinture, personne ne semble l’avoir mentionnée.
Leblanc parle d’une peu vraisemblable liaison entre Cagliostro et
Joséphine de Beauharnais, laquelle aurait débouché sur la naissance
d’une fille. Cet épisode est, en fait, destiné à suggérer au lecteur
d’aller voir du côté d’une toile de Prud’hon : Joséphine à la
Malmaison. Joséphine y est figurée assise en pleine forêt sur un siège
de pierre. Or la végétation et le paysage évoquent fortement ce que l’on
voit après s’être assis dans le célèbre Fauteuil du Diable de
Rennes-les-Bains ! Nous allons voir que Maurice Leblanc ne pouvait
ignorer l’affaire de Rennes-le-Château mais, auparavant, il convient de
vous livrer des informations totalement inédites et ô combien
sensationnelles. Aucun auteur ne s’est avisé que Fulcanelli mentionne,
dans le Mystère des cathédrales, la fontaine dite des yeux
gâtés de Notre-Dame de Marceille, citée par l’abbé Boudet au sein de
son livre consacré au Cromlech de Rennes-les-Bains. Mais il y a mieux !
Ainsi qu’en témoignent les papiers personnels de Raymond Roussel,
détenus par la Bibliothèque Nationale, dans la version primitive de son
Locus Solus, l’élève de Fulcanelli avait baptisé son héros…
Boudet ! Décidemment, les coïncidences se bousculent. |
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Le singulier entourage de Maurice Leblanc. |
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René
Renoult fut Ministre de l’Intérieur et des Cultes, lors des années
1913-1914. Il est probable que les soupçons d’espionnage, au profit des
Empires Centraux, qui pesaient sur l’abbé Saunière, ainsi que les
visites répétées d’un archiduc appartenant à la lignée des Habsbourg,
éveillèrent la curiosité des services français spécialisés dans le
renseignement et du Ministre qui les coiffait. Or, René Renoult n’était
autre que le beau-frère de Maurice Leblanc. Sa personnalité mérite que
l’on s’y arrête. Renoult fut député de la Haute-Saône de 1902 à 1919,
sénateur du Var de 1920 à 1944, et plusieurs fois ministre : Finances,
Travail et Prévoyance sociale, Travaux Publics, Intérieur, Justice,
Marine. Franc-Maçon, il fut un haut dignitaire du Grand Orient de
France. Vénérable, puis Vénérable d’honneur de la Loge L’Avant-garde
maçonnique et de la Loge La Justice, il était Chevalier
Rose-Croix (18e degré). C’est dans ce milieu
radical-socialiste et dreyfusard, comportant de nombreux Francs-Maçons,
qu’évoluait Maurice Leblanc. Ainsi, le préfacier des premières aventures
d’Arsène Lupin n’était autre qu’Arsène Arnaud, plus connu sous le nom de
Jules Clarétie, président de la Société des Gens de Lettres – à laquelle
appartenait Maurice Leblanc – et membre du Grand Orient à la Loge de
L’École Mutuelle. Furent également membres de cette loge Jules
Méline et un certain Docteur Jobert. Or, le 15 septembre 1905, le
journal Je Sais tout avait publié un article, intitulé Les
Faiseurs d’or, et qui fit quelque bruit.
L’article en question était signé par André Ibels, frère d’’Henri
Gabriel, un ancien membre du cabaret du Chat Noir. Ibels y
interviewait un alchimiste du nom d’Alphonse Jobert ! Quant au député
Dujardin-Beaumetz (1852-1913), reçu chez l’abbé Saunière et futur
sous-secrétaire d’État aux Beaux-Arts (25 janvier 1905 au 14 janvier
1912) et qui fut accablé par le vol de La Joconde, il fut député
de l’Aude de 1889 à 1912, sénateur, et était franc-maçon, visiteur
(1891) à la loge la Clémente Amitié, à l’Orient de Paris. Ce
député limouxin était inscrit au groupe de la gauche
radicale-socialiste, dont le président était René Renoult. Ce fut en
tant que sous-secrétaire d’État aux Beaux-Arts que Dujardin-Beaumetz
décora Maurice Leblanc de la Croix de chevalier de la Légion d’honneur.
Mais le
plus surprenant réside dans ce qui suit.
Qui fut
Monseigneur de Bonnechose, personnage réel, que Maurice Leblanc fit
figurer dans la Comtesse de Cagliostro ? Sa vie nous est connue
grâce à la biographie que lui consacra l’abbé Besson.
Henri de Bonnechose fut l’une des plus grandes figures du haut-clergé
sous le second Empire. De 1848 à 1855, il fut évêque de Carcassonne,
puis évêque d’Évreux de 1856 à 1858. Il fut nommé cardinal en 1863.
Devenu sénateur, il fut un intermédiaire écouté entre Napoléon III et le
Vatican. Henri de Bonnechose, né dans une vieille famille normande,
était très attaché à sa région natale. Il commença par être juriste,
puis abandonna le droit en 1829 afin d’entrer en religion. Nommé, dans
un premier temps, directeur de Saint-Louis des Français, il se voit
proposé un poste plus prestigieux à Rome par Louis-Philippe. Il le
décline, préférant le siège de Carcassonne. Le roi finit par accepter et
Monseigneur de Bonnechose s’installe à Carcassonne le 24 mai 1848. Il
joue un rôle capital dans les négociations concernant le couronnement de
Napoléon III. Au cours des deux premières années, sa santé est éprouvée
par la chaleur, ce qui inquiète son entourage. Le Ministre des cultes
lui propose l’évêché de Blois, en 1850, puis celui d’Évreux, qui le
rapprocherait de son lieu natal, en 1852, et enfin celui de Langres.
Très attaché à sa nouvelle affectation, il refuse, allant jusqu’à se
rebeller. En 1855, la mort dans l’âme, il est contraint d’accepter sa
nomination à Évreux. Monseigneur Billard est nommé à Carcassonne. Ce
fut Monseigneur Billard qui fit nommer l’abbé Saunière à
Rennes-le-Château et qui aurait, selon certains auteurs, commandité son
voyage à Paris, le recommandant à l’abbé Biel, directeur du séminaire de
Saint-Sulpice.
À
Paris, Saunière aurait rencontré le jeune oblat Émile Hoffet,
spécialiste des sociétés secrètes et des systèmes cryptographiques.
Saunière lui aurait soumis les documents découverts lors de la réfection
de l’église de Rennes-le-Château. Saunière rapporta de Paris trois
copies de toiles célèbres, dont Les Bergers d’Arcadie, de Nicolas
Poussin. Tant que Monseigneur Billard fut le supérieur de Saunière, ce
dernier n’eut aucun compte à rendre concernant ses curieux agissements.
Ses ennuis ne commencèrent qu’avec la nomination de Monseigneur de
Beauséjour. Enfin, il convient de savoir que Monseigneur Félix-Arsène
Billard fut le bras droit de Monseigneur de Bonnechose à Rouen comme à
Rome. Ce fut Henri de Bonnechose qui fit nommer Mgr Billard à l’évêché
de Carcassonne lorsqu’il fut contraint de partir pour Rouen. En étudiant
les biographies de ces deux prélats, d’autres surprises nous attendent.
Monseigneur Félix-Arsène Billard, dont le véritable prénom était
Arsène, ainsi que le voulait l’usage à l’époque, était originaire de
la Normandie chère à Maurice Leblanc, ainsi qu’à son héros Arsène
Lupin. Il naquit en plein dans ce Pays de Caux où Maurice Leblanc situa
Le Triangle d’or (Dieppe-Rouen-Le Havre) à Saint-Valéry-en-Caux,
à 35 kilomètres de l’Aiguille creuse. Après des études classiques au
petit séminaire du Mont-aux-Malades et des études de théologie au grand
séminaire de Rouen, patrie de Maurice Leblanc, il fut ordonné prêtre à
Rouen, le 17 décembre 1853. Il enseigna à l’institution Join-Lambert
avant d’être nommé vicaire de Saint-Jacques-de-Dieppe. Ce fut alors que
Monseigneur de Bonnechose en fit le vicaire de l’église Saint-Patrice de
Rouen, en 1860. En 1863, son travail ayant été apprécié, Monseigneur
Billard est nommé vicaire de la Cathédrale. Selon les dires de Maurice
Leblanc, dans Notre vieux Lycée (n°51, 1er trimestre
1929), il fut baptisé le 12 mars 1865, en la paroisse Sainte-Madeleine
de Rouen, et ce fut Monseigneur de Bonnechose, en personne, qui lui
donna la confirmation, peut-être en présence de l’abbé Billard.
L’abbé
Billard, en 1869, reçut la paroisse de Caudebec-lès-Elbeuf, où il sut
gagner la sympathie générale.. Il restaura l’église, en y faisant poser
une stupéfiante statue géante de Saint Pierre, surplombant l’entrée
principale, et dont on peut s’étonner qu’il tienne une énorme croix à
l’envers. Mais sans doute s’agit-il d’une étourderie de la part du
lapicide… à moins que…
En 1877,
Monseigneur de Bonnechose ouvrit à son protégé les rangs du Chapitre
métropolitain et le nomma théologal, puis, en 1880 vicaire général,
archidiacre du Havre. En 1878 en fit son conclaviste, ce qui témoigne de
la grande confiance qu’il lui accordait et de leur intimité. À la mort
du pape Pie IX, lui succède Léon XIII, lequel sera appelé le pape des
ouvriers, et déclarera, ce qui n’est pas sans rappeler certaines
déclarations fracassantes de ses prédécesseurs, Léon X et Benoît XIV,
notamment, que les textes religieux sont « des fables judaïques ».
Le nouveau pape témoigne à Monseigneur de Bonnechose beaucoup de
sympathie, de confiance, en faisant son confident. Léon XIII se fie aux
suggestions du cardinal en matière de nominations des évêques et
cardinaux. En 1881, Mg de Bonnechose ne laisse pas passer l’occasion:
« Le siège de Carcassonne ayant vaqué par la promotion de Mgr Leullieux
à l’archevêché de Chambéry, l’intérêt que le cardinal portait à son
ancien diocèse ne lui permit pas de rester indifférent à sa destinée.
Il signala le mérite de M. l’abbé Billard à la nonciature et au
gouvernement, détermina sa nomination qui eut lieu par décret du 17
février 1881 et lui donna l’onction épiscopale le 25 juillet. » Ce fut
donc le cardinal de Bonnechose qui fit nommer son vicaire général dans
son ancien diocèse, à Carcassonne. Après cette nomination, le vieux
cardinal, plus qu’octogénaire, reviendra deux fois à Carcassonne, en
1881 et 1882, avant de s’éteindre en 1883. Monseigneur Billard
poursuivit son œuvre…Deux ans plus tard, le 1er juin 1885, il
nommera Bérenger Saunière, curé de Rennes-le-Château.
Notre
confrère et ami Pierre Jarnac, dans son excellent ouvrage, bien
documenté, intitulé Les Archives de Rennes-le-Château, dresse de
Félix-Arsène Billard un portrait brossé à l’acide. On y apprend que
l’évêque eut à subir plusieurs procès pour simonie et captation
d’héritage, qu’il fut sous le coup d’une suspense fulminée à son
encontre par le Vatican, et qu’il fit l’objet d’un article accablant
dans la Dépêche de Toulouse (5 novembre 1896. Enfin, un mois
après sa mort, fut publié un pamphlet diffamatoire signé du curé
Laborde.
Les
bénédictins De Vic et Vaissette, dans l’Histoire générale de
Languedoc, ouvrage rédigé au XVIIIe siècle nous
apprennent : « Il paraît que saint Lupin, confesseur dont le diocèse de
Carcassonne honore la mémoire, vivait vers le même temps (851) ; on ne
sait rien de certaines des circonstances de sa vie. On prétend qu’il fut
chanoine de la cathédrale de cette ville et qu’on y conserve encore ses
reliques dans une châsse dont on fit l’ouverture au commencement du
dernier siècle. On y trouva un écrit qu’on rapporte à l’an 851 dans
lequel il était fait mention de Liviula, évêque de Carcassonne et d’un
Comte Louis Eligarus. »
La
châsse de saint Lupin fut ouverte, en effet, en 1609 , et force est de
constater, que même si les historiens considèrent le document comme
apocryphe et ne connaissent pas ce comte et cet évêque, la châsse existe
bel et bien. Les restes de Lupin dorment en la Cathédrale, dédiée à
Saint-Nazaire, de Carcassonne. Les Bénédictins de Paris confirment la
vénération dont ce saint fait l’objet : « chanoine de la cathédrale de
Carcassonne au IXe siècle ». Le 4 mai, l’Ordo de Carcassonne
n’oublie jamais de fêter Saint Lupin. Notons, au passage, que l’église
de Rennes-les-Bains est dédiée à Celse et Saint-Nazaire, ce qui est loin
d’être innocent. Tout ceci est déjà très étrange, mais le plus
extraordinaire reste à souligner.
À la
mort de Monseigneur Arsène Billard, le 3 décembre 1901, le doyen du
chapitre écrivit au préfet de l’Aude afin d’obtenir l’autorisation
d’inhumer la dépouille dans la cathédrale. Le 5 décembre, le Maire de
Carcassonne objecta à la Préfecture qu’une telle inhumation était
contraire à la loi. Le divorce entre l’Église et l’État commençait à
poindre. Le 6 décembre, le Ministre des Cultes télégraphiait au préfet
audois afin de marquer son accord. Et l’inhumation d’Arsène
Billard fut fixée au lundi 9 décembre, à 10 heures. Ainsi, par la plus
extraordinaire des coïncidences, Arsène repose auprès de Lupin…
Les points de suspension sont de rigueur !
Rendons
nous, à présent, en l’église Saint-Vincent de Carcassonne. Le 12 mars
1877, un indult du préfet de la Sacrée Congrégation des Rites autorisa
« une fête spéciale et la célébration d’une solennelle en l’honneur de
saint Hermès, martyr, en l’église paroissiale de Saint-Vincent, où
repose son corps. » Selon ce que nous en dit la mythologie, Hermès,
celui des grecs, était dieu des commerçants, des voleurs, mais également
des Initiés et naquit en Arcadie. Qui a pu décider d’attribuer, en 1876,
ce saint Hermès, peu catholique, à l’église Saint-Vincent de
Carcassonne ? Un fait est certain, parce que relaté par la Semaine
religieuse du diocèse de Carcassonne, en 1877. Monseigneur de
Bonnechose se rendit, en compagnie de l’abbé Billard, en ladite église
afin de discuter avec le pape. Aussitôt nommé à la tête du diocèse,
Monseigneur Billard visita solennellement, le dimanche 14 août,
l’église Saint-Vincent et « il vénéra le corps du jeune martyr Saint
Hermès déposé dans la chapelle Saint Roch. » Vous pouvez en tirer les
conclusions que vous voudrez… |
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Richard Khaitzine (France)
Écrivain, ayant publié une vingtaine de livres consacrés à l’ésotérisme
et à son influence dans le domaine des arts. Ouvrages disponibles :
. La Langue des Oiseaux (Dervy)
. Le magnétisme curatif (Dervy)
. De la Parole Voilée à la Parole Perdue (le mythe d’Hiram et de Maître
Jacques)
éditions Le Mercure Dauphinois
. La Joconde, Histoire, énigme et secrets – éditions
Le Mercure Dauphinois
. Paris, secrets et mystères – éditions Le
Mercure Dauphinois |
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